Le pipit regardait l'agitation au loin. De son perchoir de fortune, il voyait la presse humaine avancer et déborder du val voisin. Dans peu de temps, elle viendrait pour dévorer sa charmille et ses prairies.
Le nid que les humains construisait était immense, il prenaient la place de plusieurs futaies et plusieurs varennes. Il était composé de centaines de branches, brins, rameaux, sarments et tiges agencées précairement depuis le sol. Elles étaient toutes de métal dur et froid, inadaptées à un bon nid. Pour colmater les grandes percées dans la charpente, les humains utilisaient un mortier qu'ils tiraient du sable, de poussières de roche et d'eau... Même les ramiers qui sont de piètres bâtisseurs auraient mieux fait.
Le nid était raté jusque dans sa forme, trop haute, trop lisse, béante à son sommet. Qui aurait voulu y pondre un œuf et couver ?
Il y a quelques années, quand il était plus jeune et qu'il suivait encore les routes ancestrales vers le sud, le pipit avait survolé un de ces nids une fois terminé. La construction crachait alors des nuages qui masquaient le soleil. Celui-ci n'avait plus grand chose à éclairer en dessous dans la gâtine rase et désolée et l'oiseau avait trouvé ça malheureux. Il n'avait pas fait de halte près de la rivière, comme le faisaient les anciens avant lui et ceux encore avant : il n'y avait pas de proie et surtout l'eau était trop chaud, elle sentait... Il n'aurait pas su dire quoi. Il avait attendu longtemps avant de trouver une aire où se désaltérer et se délasser dans une onde propre, à défaut d'être pure.
Un insecte le sortit de ses réflexions et il décolla à sa poursuite. Une telle aubaine relevait presque du mythe aviaire.
Juste avant de s'élancer, pour s'alléger, il lâcha une fiente qui coula sur la pancarte qui lui servait de perchoir. On pouvait y lire :
“France Énergie et le gouvernement de M. Jordan Bardella œuvrent pour la souveraineté numérique de la France. Ici une centrale nucléaire de nouvelle génération alimentera les serveurs de FrançAI, l'IA des vrais Français”.